Triptyque psychanalytique
Au commencement
Un jour, j'ai poussé une porte où une plaque en cuivre était accrochée: « Dr C.N. Psychiatre ». Je m'étais noyée dans mes obsessions et mes peurs. Je ne pouvais plus vivre. J'étais quasi-morte. Il m'a fallu le faire pour ne pas mourir tout à fait. J'ai attendu dans un salon vieillot. Une femme m'a reçue tous les 15 jours. J'ai avalé des pilules, j'ai un peu défriché ma vie passée: le lien délétère à ma mère, un frère mort avant ma naissance et qui n'en finissait pas d'en faire des siennes. Au bout de dix mois, j'en avais assez dit pour aller mieux. Mes phobies m'ont quittée. J'ai arrêté les pilules. J'ai refermé la porte en vieux bois derrière moi. J'ai regardé le ciel et j'ai respiré. Je pouvais commencer à vivre. C'était il y a 4 ans.
Puis
J'ai dit fuck à ma mère, je me suis reposée, j'ai rencontré des gens, je suis allée dans des bars, j'ai appris ce qu'était l'insouciance, je faisais ce que j'avais envie de faire, je me sentais libre et j'ai usé de ma liberté.
Un soir, sur la voie rapide, ma voiture a rencontré un camion et j'ai cru voir ma vie finir. Je me suis arrêtée, j'ai réfléchi: je voulais autre chose encore, j'avais du sexe mais je n'avais pas d'amour, je reconnaissais mon homosexualité mais je ne la vivais pas. Je me sentais seule. Et fatiguée. J'ai vu une psychanalyste: le frère mort était encore là. Il me faudrait du temps et beaucoup de paroles pour qu'il s'en aille. Ce n'était pas terminé. La route serait longue encore.
Pour finir
Au printemps, j'ai crevé l'abcès, j'ai compris les tenants et les aboutissants, j'ai laissé filer le frère mort. Dans la douleur. Et puis la paix est venue. Un calme sans pareil. Peu de temps après, j'ai rencontré R. L'été commençait à peine. On faisait la sieste au soleil. On faisait l'amour à l'ombre. Le temps, extatique, s'immobilisait. Aujourd'hui, R. n'est plus là, elle s'occupe à chasser ses propres démons. Mais elle a signé un changement, un nouveau début. Je sais que plus rien ne sera comme avant. Je n'ai plus peur. Je peux être triste, je peux être mal. Mais la peur ne m'enserre plus la gorge et n'envahit plus mon cerveau. J'ai rassemblé les morceaux épars de moi-même. Je suis entière, enfin.